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LA RESTAURATION ARCHITECTURALE DE SÃO LUÍS DO MARANHÃO

 

 Par Dominique STOENESCO

 

 

Bref aperçu historique

        

            Lorsqu’en 1535 le roi Jean III du Portugal, pour consolider la conquête du Brésil divise le pays en capitaineries, celle située la plus au nord, la “Capitania do Maranhão”, est attribuée à João de Barros. C’est à cette époque qu’est fondée la petite ville de Nazareth, devant la baie de São Marcos, au confluent des rivières Anil et Bacanga, emplacement probable de l’actuelle ville de São Luís. Cependant, sa position excentrée et son accès difficile par la mer n’encouragent guère les colons portugais à s’y installer.

 

            Etat du Maranhão

 

En 1612, une expédition française, partie de Cancale (Bretagne) sous le commandement de Daniel de la Touche, Seigneur de la Ravardière, débarque dans le Maranhão, avec 500 colons et le rêve de fonder la France équinoxiale. Ils construisent des maisons, des églises, ainsi que le premier couvent de capucins. Puis ils édifient le fort Saint-Louis, en hommage au roi Louis XIII, donnant ainsi naissance à la ville de São Luís do Maranhão. Claude d’Abeville, capucin arrivé à bord des bateaux de Daniel de la Touche, fait un récit très complet de cette France équinoxiale, dans son Histoire de la mission des pères capucins en l’isle de Maragnan et terres circonvoisines (1614).

            La domination française fut de courte durée. Dès 1615, São Luís est reprise tour à tour par les Portugais, les Hollandais (1641), puis à nouveau par les Portugais, en 1644: “São Luís est ainsi la seule capitale brésilienne ayant été française, hollandaise et portugaise, gardant des traces de chacun, auxquelles il faut ajouter le substrat des populations natives – les Tupinambas et leurs variantes métisses, les “mamelucos” et les “caboclos” – et, à partir du XVIIème. siècle, l’arrivée en masse d’esclaves africains, venus surtout des côtes de la Mine et d’Angola”(1).  Signalons un fait original à cette époque, et qui caractérise le Maranhão: en 1621, étant donné les difficultés de communication avec la capitale coloniale, Salvador, un  Etat du Maranhão indépendant est constitué, ayant des relations directes avec Lisbonne, grâce notamment à la Compagnie des Indes Occidentales, créée à la même date.

            A partir de la deuxième moitié du XVIIème. siècle, les Portugais vont se servir de São Luís comme point d’appui pour l’exploration et le peuplement de l’Amazonie. Par ailleurs, en 1682, est créée la Compagnie de Commerce du Maranhão dont le but est de développer l’économie régionale fortement dépendante de la monoculture de la canne à sucre et du coton et utilisant une main d’œuvre esclave. Mais, en 1684, éclate une révolte conduite par les frères Beckman, propriétaires d’ engenhos, pour protester contre les exigences de la Métropole et contre les jésuites qui veulent interdire l’esclavage des Indiens. La rébellion est réprimée et les Beckman sont exécutés.

            A la fin du XVIIIème., avec la révolution industrielle anglaise, les exportations de coton augmentent considérablement, stimulant l’économie, provoquant un accroissement de la population de São Luís et favorisant son développement urbain et architectural. Toutefois, après les luttes d’indépendance, au cours de la première moitié du XIXème. siècle, l’économie du Maranhão connaît un nouveau déclin, entraînant des révoltes sociales, comme la Balaiada de 1833. D’autre part, à cette époque le Maranhão connaît une forte migration de populations vers les seringais d’Amazonie. A l’avènement de la République, malgré l’existence d’une manufacture du coton, malgré la production d’huile de babaçu et les cultures de riz et de canne à sucre, une grande partie de la population de l’Etat du Maranhão s’appauvrit.

L’ évolution urbaine  de la ville de São Luís

            Les plans de la ville actuelle de São Luís furent tracés par l’ingénieur militaire Francisco Frias de Mesquita, en 1615, suivant une forme octogonale, avec des rues perpendiculaires. Ce modèle permit à la ville d’intégrer son développement urbain jusqu’ à une époque récente, années 1960-1970, moment où il fallut créer des zones résidentielles et tertiaires en dehors de ce périmètre historique.

            La relative prospérité de l’économie maranhense aux XVIIIème. et XIXème. siècles, due à la culture du coton, favorisa le développement urbain et architectural de São Luís. Pendant cette période des édifices et des monuments importants furent construits, tels que le Palais des Leões (siège du Gouverneur), le Palais La Ravardière (Hôtel de Ville) ou le théâtre Artur Azevedo. Des quartiers comme Praia Grande ou Desterro devinrent les quartiers les plus riches de la ville, grâce au dynamisme des sociétés commerciales et au nombre d’édifices politico-administratifs qui s’y établirent. « Cette opulence se refléta dans les magnifiques sobradões où résidaient la plupart des familles aisées, ainsi que leurs domestiques, esclaves ou hommes libres. Cet ensemble imposant fut le centre qui abrita , essentiellement jusqu’à la fin du XIXème. siècle, la population résidente d’une ville qui, dans les années 1820 à 1840, avec ses 25000 habitants environ, était supérieure à celle de São Paulo »(2) La capitale du Maranhão voulait rivaliser avec Lisbonne : en 1780 on fit construire, à Praia Grande, face à la mer, une grande place rectangulaire portant le nom de Place du Commerce. Le contact direct avec Lisbonne, dès le début du XVIIème. siècle explique cette influence. São Luís fut une des premières villes brésiliennes à avoir des rues pavées et illuminées. Mais l’innovation la plus importante, vers 1830, fut  le revêtement des façades en azulejos, qui auparavant n’étaient utilisés qu’à l’intérieur des demeures ou des édifices. La dernière des grandes réalisations de cette période, dans le quartier de Praia Grande, fut la construction de la Feira da Praia Grande (le marché couvert, connu aussi sous le nom de Casa das Tulhas), dont la restauration en 1981 marquera le début du Programme de rénovation de São Luís.

 

                                  Azulejos de São Luís

 

            Au début du XXème. siècle, même si l’économie de la région connaît une régression, la population ne cesse d’augmenter. On prolonge certaines rues, de nouvelles constructions ont lieu et on cherche à gagner du terrain sur la mangrove en l’asséchant. Pour le Centre historique de la ville, l’accroissement de la circulation automobile dans les années 1940-50 représente une sérieuse menace. De nombreuses demeures anciennes sont démolies. A partir des années 70,  « le quartier de Praia Grande perd de son importance économique, l’activité portuaire et les transports fluviaux diminuent, les sobrados deviennent de vrais cortiços (taudis) et certains immeubles s’effondrent »(3)

 

                           Centre historique de São Luís

 

   

Caractéristiques architecturales et restauration du Centro Histórico

 

Le Centre historique de São Luís, qui peut être parcouru facilement à pied, est constitué de trois quartiers : le Centro, Praia Grande et Desterro. Dans ce périmètre on a relevé 3500 maisons et édifices d’intérêt historique et architectural. Les habitations de ces quartiers sont alignées selon un plan orthogonal, elles dépassent rarement les deux étages, ce qui donne  à l’ensemble un caractère plus harmonieux et plus proche de l’échelle humaine. L’influence portugaise est perceptible notamment à travers la forme des corniches, des toitures et des balcons. Autre élément très caractéristique de la plupart des sobrados ce sont les vérandas en bois situées à l’arrière des maisons, équipées de persiennes (rótulos) en bois également. On peut observer 3 types d’habitations : les solares (résidences cossues appartenant aux riches commerçants), les sobrados (habitations moins somptueuses, avec un rez-de-chaussée réservé aux activités commerciales) et les maisons sans étage, avec une porte centrale et une ou deux fenêtres de chaque côté.

 

               Sobrado – Rua Portugal (photo D. Stoenesco)

 

Pour que le Centre historique de São Luís puisse être reconnu par l’UNESCO comme étant un patrimoine mondial de l’humanité et pour que son projet de restauration puisse aboutir, deux critères étaient déterminants : architectural et urbanistique. Dans les années 60-70 commencent les premières actions de restauration urbaine et architecturale. Les efforts portaient tout d’abord sur la réhabilitation des structures et des éléments architecturaux, la restauration des peintures religieuses dans les églises, des sculptures, des autels, des rétables et des azulejos, ainsi que la rénovation de l’infrastructure et du réseau d’utilité publique.

A la demande du gouvernement de l’Etat du Maranhão, deux architectes-consultants de l’UNESCO, Michel Parent (en 1966) et Viana de Lima (en 1973) sont chargés de proposer un plan de réhabilitation et de préservation du Centre historique de São Luís. Mais leurs propositions ne seront pas suivies d’effet et de nombreuses maisons de valeur architecturale continuent à se dégrader. Seuls points positifs à cette époque ce sont les constructions du pont-barrage sur le Bacanga et du pont (baptisé ultérieurement pont José Sarney) sur l’Anil. En effet, ils vont permettre de désenclaver la ville et de créer de nouvelles zones résidentielles et industrielles à l’extérieur de ses limites historiques.

En 1979, face aux diverses réactions de protestation contre l’abandon dans lequel se trouvait le Centre historique de São Luís, l’Etat du Maranhão reprend les projets de restauration et décide de l’inscrire dans ses priorités. A cette même date est publié le livre Monumentos históricos do Maranhão, sous la coordination de l’ingénieur Luiz Phelipe Andrés. Ce document constituera un inventaire précieux pour les actions de réhabilitation de São Luís qui se dérouleront en cinq phases, entre 1979 et 1997.

 

1ère. phase (1979-1982): le quartier de Praia Grande

 

            Pour la diversité de ses activités (commerciales, portuaires, institutionnelles), pour son intérêt urbain et architectural (ruelles pavées, façades d’azulejos, escaliers) et pour ses nombreuses manifestations culturelles, Praia Grande fut choisie comme la première étape de restauration du Centre historique. Cette phase commença en 1979, suite à  la Convention Nationale de Praia Grande, réunie à l’appel du président de l’IPHAN (Instituto do Patrimônio Histórico e Artístico e Nacional) et du gouverneur du Maranhão. Le Largo do Comércio et le marché couvert Feira de Praia Grande en furent les principaux bénéficiaires.

 

2ème. phase (1983-1987): études et recherches

 

            Par manque de crédits, les travaux furent suspendus pendant cette période. On se consacra alors à la restauration, au microfilmage et à la transcription des 166 volumes des « Livros da Câmara de São Luís », retrouvés en 1982, comprenant les archives du Conseil Municipal de 1646 à 1900 ! Ce document constitue la principale source concernant l’histoire de la ville.

 

3ème. phase (1987-1990) : «Projeto Reviver »

 

            Alors que le Brésil a pour président de la République un ancien gouverneur de l’Etat du Maranhão, José Sarney, de nouveaux investissements permettent la reprise des travaux de rénovation urbaine (éclairage en poteaux de fer forgé à l’ancienne, aménagement des jardins, élargissement des trottoirs, création de rues piétonnes) et de restauration (transformation d’anciens entrepôts commerciaux en centres culturels, salles de cinéma, salles de danse, etc.) Dans le quartier de Desterro, le Convento das Mercês (1654) est entièrement restauré et devient la Fundação da Memória Republicana, destinée à recevoir les archives du président José Sarney (1985-1990) et à servir aussi de centre d’activités artistiques. Enfin, dans le quartier Madre de Deus, une ancienne usine textile est devenue le Centre d’Artisanat et de Culture Populaire du Maranhão (le CEPRAMA).

 

4ème. phase (1990-1994) : élargissement du projet

 

            On remarquera, durant cette phase : la restauration d’un sobrado du quartier du Centro où s’effectua le relogement de 10 familles dans de bonnes conditions; la restauration de la peinture murale du Largo do Comércio représentant la place du Commerce de Lisbonne ; la rénovation du théâtre Artur Azevedo (inauguré en 1816, deuxième du Brésil après celui de Ouro Preto, 700 places) ; la transformation d’une autre usine textile, située en dehors du périmètre historique, dans un quartier pauvre en bordure de l’Anil, en un Centro Integrado de Ensino (3800 élèves).

 

5ème. phase, depuis 1995 

 

            L’ampleur des travaux de restauration réalisés à São Luís suscite l’intérêt d’organismes scientifiques et financiers étrangers et donnent ainsi une nouvelle dimension au projet. On envisage désormais de profiter de cet intérêt accru pour développer le tourisme dans la région du Nordeste. Par ailleurs, des investissements (la Banque Interaméricaine de Développement, le gouvernement fédéral et l’Etat du Maranhão) sont orientés en priorité vers des actions sociales telles que le relogement de familles modestes dans le Centre.

            Reconnu par l’UNESCO, associant désormais des partenaires de tous horizons (financiers, scientifiques, culturels, sociaux), le programme de rénovation et de restauration de São Luís permet une plus grande prise de conscience de la valeur de son patrimoine historique, artistique et culturel.

 

N.B. Outre les livres cités ci-dessous, pour rédiger cet aperçu succinct sur les travaux de restauration de la ville de São Luís nous nous sommes servis aussi des notes prises au cours de la conférence donnée par M. Marcos Meireles, historien, et M. Ronald de Almeida, architecte, lors de notre séjour à São Luís.

 

                                                                                           

 Dominique Stoenesco

 

_________________________

 

(1)    In « Centro Histórico de São Luís do Maranhão – Patrimônio Mundial » , coordenação geral de Luiz Phelipe de Carvalho Castro Andrés, Audichromo Editora, São Paulo, 1998

 

(2) Extrait de l’article de José Felinto de Melo Vidigal, paru dans “Le Petit Journal de l’ADEPBA” (n°29-2001), intitulé “Histoire de São Luís do Maranhão: de 1755 à 1894” (thèse de doctorat en cours).

 

(3) Ibidem “Centro Histórico de São Luís do Maranhão – Patrimônio Mundial”